Entretien avec Pierre de Marolles (suite)

Voilà en effet la suite de notre entretien avec Pierre de Marolles. Nous avons publié la première partie dans un article précédent. Pierre de Marolles est un spécialiste du dernier livre du Nouveau Testament, à savoir l’Apocalypse.

Pierre de Marolles, quel est pour vous, le message essentiel de l’Apocalypse?

Étymologiquement, le mot « Apocalypse » ne veut pas dire « fin du monde » mais « révélation, « dévoilement » et je pense que c’est cela que veut faire le livre de l’Apocalypse : déchirer le voile grisâtre de notre monde, où le mal et la mort semble avoir le dernier mot, pour nous révéler la victoire déjà acquise par Jésus le Christ. La victoire non pas de ceux qui prennent la vie des autres par violence, mais de ceux qui donnent leur vie par amour. Bien entendu ce livre nous parle dans un langage particulier, saturé d’images venues de l’Ancien Testament, mais pour ceux qui prennent la peine de s’y pencher sérieusement, ce livre ne dit pas autre chose que les évangiles et les lettres de Paul !

Pourquoi lire l’Apocalypse encore aujourd’hui, en 2022 ?

D’abord pour ne pas le laisser aux prophètes de malheurs qui l’utilisent pour faire peur en annonçant la fin du monde tous les quatre matins ! Ensuite parce que je pense justement que les chrétiens ont besoin de « réenchanter » leur imaginaire. En cela, je suis un disciple de C. S. Lewis, connu pour sa série de romans fantastiques pour enfant, les Chroniques de Narnia, mais malheureusement trop peu connu en monde francophone pour ses livres de d’apologétique chrétienne. Dans notre monde dominé par un rapport au monde « scientifique » et même souvent juste « matérialiste » ou « utilitariste », nous avons besoin qu’on nous parle des myriades d’anges et des foules innombrables qui, même s’ils échappent à nos regards, adorent le Créateur de toute chose.

Se souvenir de la fragilité du monde

Nous avons besoin de nous souvenir que le monde est fragile et que notre méchanceté le blesse, tout en réalisant que la création comme nos fautes « fondent comme cire devant le Seigneur » (Ps 97, 5). Nous avons besoin d’entendre que la réalité ne se limite pas à ce que nous en expérimentons ici-bas et qu’il existe un ciel nouveau et une terre nouvelle, qui sont notre vraie patrie, et qu’il nous est possible de voir apparaître ici et là sous la lourde toile du quotidien. Nous avons besoin enfin de rencontrer parfois Jésus, le Fils de Dieu, dans toute sa gloire pour nous souvenir que ce petit palestinien du premier siècle, c’était Dieu qui est venu habiter notre humanité.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Ma thèse porte sur la manière dont l’image du livre scellé de sept sceaux (Ap 5,1) a été comprise à travers les siècles. Après avoir regardé comment les Pères de l’Église l’interprétaient comme représentant l’Ancien et le Nouveau Testament dont le Christ nous donne l’intelligence, j’étudie maintenant la lecture qui en été fait à la Réforme, en particulier dans une série de cent sermons sur l’Apocalypse écrits par Heinrich Bullinger, le successeur de Zwingli à Zurich. Pour lui, le livre scellé représente le plan des événements du monde, connu d’avance par Dieu et confié à son Christ. Il en tire la puissante conclusion que quoi qu’il nous arrive ici-bas nous devons garder confiance : nos destinées sont entre les mains du Christ qui nous aime et veut qu’aucun de nous ne se perde. Pas mal pour un exégèse qui a déjà près de 500 ans !

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