Une théodicée (du grec theos dikè qui signifie justice ou procès de Dieu) désigne un discours visant à expliquer pourquoi, puisque le mal existe, Dieu peut-être confessé comme bon et tout puissant.
L’expression d’une contradiction
Cette contradiction logique est particulièrement bien exposé par le philosophe français Paul Ricoeur dans son ouvrage : Le Mal. Un défi à la philosophie et à la théologie. Le raisonnement logique est le suivant: si Dieu est bon et que le mal existe alors Dieu n’est pas tout puissant puisqu’il ne peut empêcher le mal de toucher les humains; si Dieu est tout puissant et que le mal existe alors Dieu n’est pas bon puisqu’il pourrait empêcher le mal par sa toute puissance; si Dieu est tout puissant et bon alors le mal ne peut exister. Comment résoudre ces contradictions ?
Les tentatives de résoudre cette contradiction
Les explications les plus souvent apportées depuis des siècles sont les suivantes:
le dualisme: l’existence du mal est rapporté à l’existence d’une puissance spirituelle indépendante de Dieu (que l’on nomme Satan ou le diable ou d’un autre nom encore), ce n’est donc pas Dieu qui est à l’origine de mal, mais il lutte contre le mal
l’harmonie cachée: l’humain voit une contradiction là où il n’y en a pas, mais sa condition humaine l’empêche de voir l’harmonie existante. Pourtant, un jour, dans le face à face avec Dieu promis au croyant, il découvrira cette harmonie.
la pédagogie: Dieu a la puissance nécessaire pour vaincre le mal, il l’utilise à des fins pédagogiques pour éduquer l’être humain. C’est un peu la position d’Elihou dans le livre de Job (cf. étude 5)
le libre arbitre: dans sa bonté, Dieu donne à l’humain la liberté de faire ses propres choix. Le mauvais usage de cette liberté conduit à l’existence du mal.
la rétribution: pour cette manière de voir, cf. la capsule consacrée à la théologie de la rétribution
Aucune solution satisfaisante
Aucune de ses solutions n’est pleinement satisfaisante d’un point de vue strictement rationnel moderne. C’est pourquoi un certain nombre de théologiens ou de philosophes (c’est le cas de Paul Ricoeur) préconisent de laisser la question ouverte car elle empêche d’enfermer Dieu dans une image figée (ce qui est de l’idolâtrie) et permet d’accueillir la diversité et la variété des expériences humaines du mal (ce qui permet de conserver à l’humain son humanité). Laisser la question ouverte revient aussi à engager l’humain dans l’action face au mal et à ses conséquences, tandis que la quête éperdue d’une explication parfaite relève d’une forme de résignation face au mal.
Et la Bible ?
La Bible, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, ne donne pas de solutions toutes faites à cette question. Elle contient des textes qui vont dans divers sens où l’on retrouvera quelques unes des explications présentées plus haut. Pour bien les comprendre, et en particulier ceux de l’Ancien Testament, il faut cependant se souvenir que la conception de la toute puissance de Dieu n’y est pas la même que dans la philosophie grecque qui a tant marquée la théologie chrétienne. En effet, dans la compréhension proche orientale du monde, la puissance de Dieu s’exprime dans un acte créateur face au chaos préexistant (alors que dans la conception gréco-romaine, Dieu créée à partir de rien: ex nihilo) et sa puissance continue à s’exprimer dans le maintien de sa création face aux forces du chaos toujours menaçantes. (cf. la capsule: La création) On pourrait ainsi dire que sa puissance est limitée et non pas absolue.
Une démarche existentielle
Le livre de Job, qui met en scène tout ce questionnement, est une critique radicale des explications existantes, mais ne propose pas de nouvelle solution. Par contre, il se fait le témoin d’une démarche existentielle: l’expérience de la rencontre avec Dieu lui-même (au delà d’un discours sur Lui) qui a un double effet. D’une part, il décentre Job de son malheur sans le nier. D’autre part, il fait prendre conscience – par l’expérience – à Job qu’il est possible de vivre dans une relation vivifiante avec Dieu même dans l’expérience du mal. A cette dernière, le livre de Job propose une autre expérience: celle de la présence de Dieu. ce qui permet, non pas d’expliquer la souffrance, mais de la traverser. Comme le dit le psaume 23: « même si je marche dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi ».
Et Jésus ?
Dans l’évangile selon Jean (Jn 9), Jésus insiste sur l’impasse dans laquelle peuvent s’enfermer celles et ceux qui sont trop obsédés par le souci explicatif. Il met en avant la nécessité de l’action face au mal. Cette action qui est présentée comme le signe de l’action de Dieu contre le mal.
Si Dieu existe, pourquoi le mal ? dit le questionneur de Dieu. Si Dieu n’existe pas, pourquoi le bien ? propose Jésus.