Cultes à mystère

Au moment de la naissance du christianisme, un mouvement religieux prend de l’ampleur dans tout le monde méditerranéen antique, celui des cultes à mystères. Cette page cherche à définir ce mouvement, en décrit deux exemples et présente ses liens avec le christianisme.

Une définition en mouvement

L’expression « cultes à mystère » nait au XIXème siècle dans les milieux universitaires qui s’intéressent aux religions présentes dans le monde gréco-romain. Des historiens des religions, mais aussi des exégètes du Nouveau Testament, identifient différentes religions qui présentent des caractéristiques communes. On relève: une religion qui valorise le cheminement spirituel des individus, composée d’une série complexe de rites initiatiques plus ou moins secrets et qui offre à ses adeptes une perspective de salut au delà de la mort. Autre point commun, ces religions semblent toutes être plus ou moins originaires de l’ouest de l’empire. Même si elles ont une histoire différente, elles connaissent un développement important aux premiers siècles de notre ère. Au point qu’elles semblent entrer en concurrence avec le christianisme à cette période.

Ces cultes à mystère se différencient des religions traditionnelles, sans pour autant les remplacer. Ils mettent l’accent sur l’individu alors que les religions traditionnelles sont centrées sur le collectif (dieu de la famille, du clan, de la corporation professionnelle, de la cité, voire de l’empire pour le culte de l’empereur). Ces cultes ont aussi un caractère secret alors que les religions traditionnelles sont essentiellement publiques. Enfin ils accueillent leurs membres sur la base d’une démarche individuelle qui rompt avec les distinctions sociales, familiales, ethniques qui structurent le monde antique. Les femmes, les esclaves ou les étrangers à une cité peuvent y prendre place au même titre que les citoyens hommes libres.

Cette définition a pourtant été remise en question à la fin du XXème siècle par l’accumulation de nouvelles découvertes textuelles et archéologiques qui ont davantage mis en évidence les différences entre les différentes religions concernées. Cependant, l’expression cultes à mystère reste valide pour désigner un type de religiosité et de piété propres à cette époque.

Deux exemples de cultes à mystère

Il est difficile aux historiens de l’antiquité d’avoir une vison précise des cultes à mystère dans le monde romain. Et ceci pour plusieurs raisons. En effet, par définition ces cultes sont liés à une forme de secret, ce qui fait que les sources écrites qui décrivent les pratiques et croyances sont rares. De plus, avec l’érection du christianisme comme unique religion de l’empire, ces cultes ont été interdits et de nombreux documents dispersés ou perdus. Ce qui fait que les rares descriptions existantes sont le plus souvent présentes dans des documents qui combattent ces cultes, d’où un problème de fiabilité de ces sources.

Les découvertes archéologiques, qui ont mis à jour les restes de lieux de culte, sont une autre source de renseignements. Mais ces découvertes posent de nombreux problèmes d’interprétations.

Aussi les présentations ci-dessous sont à prendre avec précaution comme des hypothèses fondées sur l’état actuel de nos connaissances.

Le culte de Cybèle

Cybèle est nom d’une déesse dont l’origine remonte à la Phrygie, une région – aujourd’hui en Turquie – à la frontière entre les mondes perse et grec. Elle est la « grande déesse », la « mère des dieux » ou la « déesse mère ». Elle renvoie tout à la fois à la nature sauvage (qu’elle sait maitriser) et à la fécondité. Selon certains mythes, elle est la mère de Dionysos dont le culte évoluera aussi vers un culte à mystère à l’époque romaine.

Son culte se répand très tôt dans l’empire romain (dès le IIème siècle avant Jésus-Christ) sans pour autant devenir le culte « officiel » d’une cité. Il est souvent associé à celui d’Attis dont elle est la fois la mère et l’amante. Ce qu’ont peut savoir des rites de ce culte montre les fidèles revivant l’histoire mythique de la déesse pour pouvoir s’unir à elle et vaincre ainsi les puissances de la mort.

Selon certains historiens des religions, les fonctions et symboles du culte de Cybèle serait repris par la figure de Marie. De la « mère des dieux » on serait passé à la « mère de Dieu ».

Le culte de Mithra

Ce culte s’implante d’abord dans la partie orientale de l’empire romain et est vraisemblablement d’origine perse. Au Ier et IIème siécle de notre ère, il se répand dans tout l’empire comme en témoigne les nombreux mithraeum retrouvés par les archéologues. Il semble en particulier que l’armée romaine était un vecteur important de sa diffusion.

Comme l’ensemble des cultes à mystère, le mithraïsme connait un mythe d’origine qui va structurer ses pratiques rituelles. Ce mythe, complexe, dont il existe différentes versions toutes reconstituées, explique l’origine du monde et le rôle joué par un héros Mithra dans la maitrise des forces de mort qui menace la vie. Les initiés au culte participent par des rites à cette victoire du héros fondateur en traversant symboliquemnt les épreuves qu’il a subi. Le rituel se termine par un banquet final. Les convives se réjouissent de l’apothéose de Mithra (c’est-à-dire le passage du statut d’humain à celui de Dieu). Le repas les associe en espérance à cette apothéose au moment de leur propre mort. Il célèbre le premier initié (Mithra) qui ouvre la voie à ses fidèles.

Il semble qu’à la fin de son existence, le mithraïsme ait évolué d’un culte à mystère en religion publique afin d’être interdit et de disparaitre. Pour autant de nombreux symboles qu’il utilisait subsistent, de manière transformés, dans le christianisme.

Les relations avec le christianisme.

Les chercheurs ont mis en avant les points de ressemblances entre le christianisme naissant et les religions à mystère. Ces points sont les suivants.

Tout d’abord, le christianisme a une origine orientale, tout au moins quand on se situe à Rome. De ce point de vue, les romains ont pu le considérer comme une religion exotique venue des marches de l’empire, avec un mélange de fascination et de méfiance.

Ensuite, le christianisme accueille en son sein des individus issues des milieux les plus divers et ne se présente pas comme la religion d’un groupe, d’une ethnie ou d’une catégorie sociale. « En Christ, il n’a y plus ni juif, ni grec, ni libre, ni esclave, ni homme, ni femme, » écrit l’apôtre (Gal 3,28). Au contraire des religions existantes, il propose une valorisation des cheminements spirituels personnels.

Puis, la pratique chrétienne comporte une série de rituels qui ressemble aux parcours initiatiques des cultes à mystère comme la catéchèse, le baptême qui conditionne l’accès à la Ste Cène. Sa célébration était alors réservé aux seuls baptisés, les autres étant alors prié de quitter le lieu de la célébration.

Il a bien sûr aussi le fait que le christianisme propose à ses fidèles une espérance au delà de la mort, ce que ne font pas les religions traditionnelles. Il célèbre aussi les faits d’un héros fondateur (Jésus Christ) qui est l’initiateur d’un parcours de vie.

Alors le christianisme est-il un culte à mystère ou pas ? A vous de décider. Ce qui est sûr, c’est qu’avec son accession au statut de religion officielle de l’empire romain, le christianisme va endosser le rôle et les fonctions d’une religion civile et en assumer les aspects politiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Remonter