L’agneau immolé

Le livre de l’Apocalypse, dans son déploiement d’images, met en avant celle de l’Agneau immolé siégeant sur un trône (Ap. 5).

Bible illustrée du 9ème siècle

Cette image renvoie à tout un monde bien connu des lecteurs et lectrices des textes de l’AT et des écritures pieuses de l’époque. Dans un société agricole dont le rituel religieux est marqué par une série de sacrifices, l’agneau va jouer un rôle central. Globalement, ce faisceau d’images remontent à trois récits fondateurs de la foi d’Israël.

Le sacrifice d’Isaac

Genèse 22,1-19 rapporte un épisode de la saga d’Abraham qui a connu une grande fécondité dans l’histoire du judaïsme et du christianisme. Abraham reçoit l’ordre de Dieu de lui sacrifier son fils unique Isaac. Abraham s’exécute et prend Isaac pour un voyage de 3 jours au terme duquel devrait avoir lieu le sacrifice. Parvenu au lieu dit, Isaac, voyant que tout est préparé, interroge son père: « Mais où est l’agneau pour le sacrifice ? ». Et Abraham répond: « Dieu pourvoira lui même à l’agneau »(Gn 22,7-8). Au moment où Abraham s’apprête à égorger son fils, un ange arrête son bras. Isaac est sauvé et un bélier trouvé sur place est sacrifié.

Ce bref récit est au départ un simple récit explicatif du fait qu’Israël, contrairement à beaucoup de ses voisins, ne doit pas pratiquer de sacrifices humains. Si l’offrande n’est pas humaine, qu’est ce qui « est digne » d’être offert à Dieu en signe de reconnaissance ou en ouverture à la communion avec Lui ? C’est cette place que va prendre l’agneau dans les rituels, les textes juridiques, liturgiques et poétiques, la piété populaire, les oracles prophétiques qui constituent la vie religieuse de l’Israël antique.

Mais l’image de l’agneau va aussi entrer en résonance avec d’autres textes et connaitre un succès croissant.

Le récit de l’Exode

Le premier de ces textes se trouve dans le livre de l’Exode (EX 12,2-6). Il donne les instructions pour la préparation du sacrifice d’un agneau dans la nuit de Pâque, la nuit où, à la fois, passe l’ange de la mort contre les premiers nés d’Egypte se répand le sang de l’agneau qui sauve la vie des premiers nés d’Israël et inaugure la sortie vers la Terre promise. La figure de l’agneau est ainsi étroitement associée à la sortie d’Égypte qui est le geste fondateur de la religion israélite.

Ce récit est aussi à l’origine de la fête de la Pâque juive. C’est durant cette fête que Jésus, la veille de sa mort, va instituer la Ste-Cène. Et c’est à partir de là que va se déployer la fête de Pâques chrétienne où Jésus tient la place que l’agneau tenait dans les récits vétérotestamentaires.

Comme un agneau destiné à la boucherie

Le troisième récit important est un oracle du prophète Ésaïe (Es 53),extrait d’un ensemble que l’on appelle les cantiques du serviteur. Dans un contexte post exilique où il s’agit encore de surmonter le traumatisme de la chute de Jérusalem, ce récit décrit la figure du serviteur parfait à venir. Son action va permettre le rétablissement d’Israël. mais cette action va passer par le mépris et la souffrance. Pour illustrer cela, le prophète utilise l’image de l’agneau que l’on mène à l’abattoir.

Ce passage va être repris par la première génération chrétienne pour expliquer en quoi Jésus peut être à la fois le Messie attendu et celui que Dieu a apparemment rejeté puisqu’il est mort sur la croix. C’est ce paradoxe du Messie crucifié qui va devenir l’un des pivots sur lesquels se construit la foi chrétienne.

Un fort développement

C’est ainsi que la foi chrétienne va appliquer à Jésus toute la symbolique de l’agneau. Il va devenir : l’agneau de Dieu ainsi que le décrit l’évangile selon Jean (Jn 1,29) et l’agneau siégeant de l’Apocalypse.

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