Les origines historiques de la Pâque

Les historiens se sont souvent penchés sur les origines historiques de la fête de Pâque. Et cela à cause du contenu même des textes bibliques qui nous en parlent ou qui la mentionne.

Des récits composites dans Exode 12

Les récits de l’Exode qui rapportent l’instauration de la fête de Pâques sont composites. Ils semblent faire référence à deux événements. L’un se rapporte à la consommation familiale d’un agneau sacrifié (Exode 12,1-14). L’autre se centre plutôt sur les pains sans levain (Exode 12,15-20).

Une fête d’éleveurs semi-nomade de petit bétail ?

La première fête se déroule dans une société d’éleveurs de petits bétails dont l’existence selon un mode semi nomade est bien attestée dans le Proche Orient Ancien. Ces groupes sont plutôt situées dans les marges géographiques de Canaan, dans les étendues semi désertiques situées entre le Levant et l’Égypte par exemple. Le premier rite est explicitement mis en relation avec la sortie d’Égypte et la mort des premiers nés (Ex 12,12) .

Une fête d’agriculteurs sédentaires ?

La deuxième fête présuppose une société d’agriculteurs par définition plus sédentaires. Ces agriculteurs vivaient plutôt au cœur de Canaan et particulièrement dans les régions du nord du pays. Le second rite est plutôt mis en relation avec le découpage de la semaine et le sabbat (Ex 12,16).

Un point commun ?

L’archéologie nous montre que ces deux groupes sociaux cohabitaient, plus ou moins en bonne entente, dans les sociétés antiques. Les deux fêtes ont un point commun: la date dans l’année à laquelle ces deux rites se célèbrent, à savoir au printemps. C’est le moment où débute dans le Levant un nouveau cycle de vie. D’un coté, c’est le temps de la transhumance où les troupeaux quittent les pâturages d’hiver. De l’autre, c’est le temps des semailles avant la saison des pluies.

La fête des pains sans levain dans Exode 23 et 34

Les textes d’ Ex 23 et 34 nous présentent la fête des pains sans levain. Or, le premier texte (Ex 23,14-15) ne mentionne même pas la Pâque parmi les trois fêtes essentielles du peuple d’Israël. Certes, le deuxième texte (Ex 34,18) fait référence à l’Exode et au sacrifice d’un agneau. Mais le titre de la fête est bien celui de : « pain sans levain ». Le sacrifice d’un agneau est présenté comme un sacrifice substitutif des nouveaux nés qu’ils soient humains ou animaux. La sortie d’Egypte n’est pas mentionnée ici. Pourtant, cette absence s’explique si l’on considère que la fête de Pâque se construit sur la base d’un rite plus ancien. Ce dernier, attesté dans le Levant antique, est destiné à racheter la vie d’un 1er né qui était traditionnellement dédié à la divinité suprême, maitresse de la vie.

Dans les livres du Lévitique et du Deutéronome

De plus, le livre du Lévitique ( Lv 23,5 et 6) distingue aussi la fête de Pâque (célébrée le 14ème jour du mois) de celle des pains sans levain (célébrée elle le 15ème jour du même mois). Cette dernière semble avoir une dimension familiale ou villageoise qui est peut-être ancienne. Sa perpétuation est favorisée par son association avec la sortie d’Egypte.

Tandis que le livre du Deutéronome (Dt 16, 2 + 12, 5-6) précise à propos de la fête de Pâque que cette dernière est centrée sur le sacrifice d’un agneau qui doit se faire « au lieu que le Seigneur sa choisi ». Par cette expression, l’auteur biblique désigne Jérusalem où, suite à la réforme du roi Josias, se centralise l’ensemble des sacrifices offerts. Cela confère à cette fête un caractère national qui va au-delà du caractère familial ou clanique.

Une combinaison de deux rites

Tous ces constats amènent les historiens à émettre l’hypothèse suivante. Le récit de l’institution de la Pâque est construit en fusionnant des traditions propres à deux rites préexistant. C’est dire que l’identité nationale des royaumes de Juda et d’Israël se construit en combinant les traditions d’un groupe porteur de l’histoire de la sortie d’Égypte (plutôt des nomades éleveurs de troupeaux) avec les traditions d’une population autochtone de Canaan chez lesquels les premiers s’installent. Si cette hypothèse est exacte, on assiste dans les récits bibliques à une historicisation d’un rite préexistant qui permet d’intégrer celles et ceux qui le pratiquent dans une histoire globale qui les inclut et les dépasse.

La rôle prépondérant du roi Josias

En dehors des récits du Pentateuque, la fête de Pâque est très peu mentionnée. Seul le livre de Josué (Jo 5,2-12) raconte la première célébration de la fête en Terre promise. Puis, plus aucune mention avant l’avènement du roi Josias (2 Rois 23,21). Il est même précisé que la fête était tombée en désuétude et que c’est sous l’impulsion de Josias, roi centralisateur du culte à Jérusalem, qu’elle renaît. C’est sans doute à cette époque que l’historicisation en lien avec l’Exode d’un rite ancien a lieu.

Après l’Exil…

Après l’Exil à Babylone (-587 avt Jésus-Christ), le coté familial de la fête est réactivé en lui donnant une dimension catéchétique d’espérance: comme le peuple est sorti d’Egypte, il ressortira de Babylone pour retourner en Terre promise (Ex 12,26).

Pour aller plus loin

Martin-Achard, Robert, Essai biblique sur les fêtes d’Israël, Editions Labor & Fides, Genève 1974,

Römer, Thomas, Moïse en version originale. Enquête sur le récit de la sortie d’Egypte. Editions Bayard et Labor & Fides, Paris et Genève, 2015, « Origine et histoire de la Pâque, » p. 198-202.

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